En juin 2012, Ubisoft crée la surprise en présentant pour la première fois Watch Dogs à travers une impressionnante vidéo de gameplay. Le jeu est alors officiellement annoncé sur PC, Xbox 360 et PS3 pour fin 2013, et chacune de ses apparitions fait l’événement. Cela se comprend facilement : ce titre s’attaque de plein fouet à GTA, est une nouvelle licence, repose sur un concept intéressant et possède des graphismes somptueux. Mais Watch Dogs est surtout un projet extrêmement ambitieux pour Ubisoft, qui n’a pas hésité à déployer un gros budget pour la campagne marketing et le développement même du jeu, comme en témoigne le générique de fin qui frôle les 18 minutes. Des moyens colossaux qui ont nourri au fil du temps de belles promesses, celle d’un blockbuster à l’esthétique irréprochable et, potentiellement, de l’un des meilleurs jeux de 2014. Place au verdict.
Toute l’action de Watch Dogs se déroule à Chicago et dans ses environs. Point de prohibition ou d’Al Capone à l’horizon, place au XXIè siècle et ctOS, un logiciel régissant toutes les infrastructures de la ville : cela va du trafic routier aux communications, en passant par les systèmes de sécurité. Bien sûr, mettre la main sur ctOS revient finalement à posséder les clefs de la ville et à accéder à l’empreinte numérique de chaque habitant : ce programme informatique, en plus de gérer tout le réseau électrique, prend aussi le temps de stocker des données personnelles sur chaque individu. Exit la vie privée.
Aiden Pearce, le héros de Watch Dogs, vit justement à Chicago. Après une affaire qui tourne mal et le meurtre de sa nièce sous ses yeux, Aiden vit pour se venger; il n’arrive pas à oublier ce qui s’est passé autrefois. Il est obnubilé par cet accident mortel et compte bien remonter étape par étape la piste du commanditaire de cet acte. Les choses ne sont bien entendu pas si simples et Aiden Pearce va croiser tout au long de l’aventure de nombreux truands, hackers concurrents et autres mafieux qui tiennent sous contrôle une partie de la ville. Certains l’aideront, d’autres lui mettront des bâtons dans les roues. Le casting, malgré quelques clichés, s’avère réussi et la VF est d’une excellente qualité avec notamment un très bon Jean-Pierre Michael (doubleur de John Reese dans Person Of Interest) dans le rôle du héros. La belle performance de l’acteur français ne nous fait cependant pas oublier qu’Aiden Pearce est tout sauf charismatique et que son manque d’expressions faciales en est presque ridicule dans de nombreuses situations. C’est d’autant plus dérangeant que les autres protagonistes ont bénéficié d’un soin tout particulier.
Jamais sans sa casquette, même quand il décide de faire quelques brasses coulées, Aiden Pearce, hacker de son métier, ne quitte jamais son smartphone, celui-ci étant son bien le plus précieux. C’est même un objet vital pour sa survie puisqu’il est tout simplement relié à ctOS. Chicago n’a alors plus de secret pour Pearce, tout comme l’intimité de chaque passant. Marcher dans la rue, le téléphone à la main, permet en effet de connaître les particularités de chaque personne qu’il croise : que ce soit un hobby, ou bien un vice. . . Mais le Profiler — c’est le nom du portable, est aussi capable d’interagir avec l’environnement. Le hacking est LA grande feature de Watch Dogs et demeure très réussi. C’est d’ailleurs cet aspect qui lui confère son originalité. Ce n’est pas un simple gadget, c’est véritablement au coeur même du jeu.
On ne cachera pas que sans le piratage, Watch Dogs paraîtrait tout de suite beaucoup plus classique. Ce n’est d’ailleurs pas vraiment un GTA-Like à proprement parlé et il tend plutôt vers le jeu d’action en monde-ouvert. Les missions de la campagne sont également un brin répétitives et se résument facilement ainsi : se rendre à un endroit précis, vider la zone de ses ennemis, pirater un terminal via un mini-jeu et fuir à pied ou en voiture. Comme dans tout open-world, la conduite prend une place importante au sein même du jeu et est ici très arcade. Les véhicules sont scotchés au sol, la physique des bolides est assez étrange et le moindre accrochage n’est en rien pénalisant. Même en moto les accidents sont extrêmement rares malgré des chocs qui paraissent pourtant violents. Mais non, Aiden ne chute presque jamais et reste cramponné au guidon comme si de rien n’était. Forcément, ce choix de proposer un tel gameplay au niveau de la conduite permet de fluidifier l’action puisque l’échec au volant n’existe presque pas. Le joueur se sent alors surpuissant et cela simplifie grandement les choses, ce qui peut être déstabilisant.
Ce n’est pas pour autant qu’échapper aux adversaires devient un parcours de santé, puisque les véhicules de la police ou des malfrats restent tenaces. S’il est impossible (et c’est fort dommage) de tirer tout en conduisant, il est en revanche autorisé d’utiliser son téléphone au volant. Certes, la loi française n’aime pas ça, mais il s’agit là d’une question de vie ou de mort. Ainsi, lors des courses-poursuites, Aiden peut activer des bornes rétractables, actionner des ponts, faire apparaître des herses. . . Les courses deviennent alors plus dynamiques et les poursuivants lâchent rapidement prise après un accident. De même, modifier les feux à un carrefour donne l’occasion de créer un carambolage très scripté mais visuellement réussi. On peut sinon opter pour une fuite discrète en créant un blackout total pour disparaître dans la nuit, se cacher dans un garage ou grimper incognito dans le métro aérien, lui aussi piratable.
Les missions sont très classiques et se ressemblent toutes plus ou moins. Heureusement la jolie liberté d’action offerte tant par le gameplay que par level-design permet de varier les plaisirs si on le souhaite. A pied, le Profiler octroie la possibilité d’en apprendre plus sur chaque garde. Certains portent des explosifs que l’on peut actionner à distance, d’autres un téléphone qui peut servir de diversion. . . En piratant les caméras, on peut également avoir une vue globale de l’action et repérer les cibles prioritaires. Pour le reste, Watch Dogs est un TPS assez commun avec le choix d’y aller de manière furtive, avec un silencieux couplé à du bullet time, ou d’employer la force en faisant, par exemple sauter un panneau électrique avant de dégainer une mitrailleuse lourde. Les niveaux sont généralement assez ouverts et permettent d’aborder les situations sous divers angles et l’IA n’est pas très futée, à l’image de nombreux jeux de nos jours. Cela signifie qu’elle voit un peu devant elle, mais qu’elle n’est pas bien attentive à tout ce qui se passe tout autour. Cela nuit légèrement à l’immersion, mais rend l’infiltration plus permissive sans doute pour, une nouvelle fois, fluidifier l’action.
Watch Dogs se révèle agréable à jouer et on ressent vraiment la patte d’Ubisoft à tous les niveaux du gameplay : le jeu est ainsi très accessible, les indications visuelles se multiplient à l’écran pour guider le joueur etc. WD ressemble aussi à un melting-pot de nombreux jeux de la société française. Aiden Pearce est assez agile et peut tout enjamber en maintenant simplement une touche comme dans Assassin’s Creed tandis que la conduite arcade et la présence d’une très sympathique vue-volant rappellent Driver. Quant aux phases d’actions, difficile de ne pas voir là Splinter Cell. On ne retrouve pas la même richesse que dans les aventures de Sam Fisher, mais il y a quand même de nombreuses similarités : on peut tagger les ennemis pour les faire apparaître en surbrillance, le système de couverture est très similaire et les ennemis se fient toujours à la dernière position connue d’Aiden lors des gunfights. Enfin, de nombreux easter-eggs et autres clins d’oeil aux jeux d’Ubi sont disséminés un peu partout.
Quitte à se répéter, c’est vraiment tout le gameplay lié au piratage qui offre une véritable plus-value au jeu et lui permet donc de sortir du lot. La mise-en-scène est quant à elle assez plate, à l’exception de quelques cas, notamment l’acte III. Watch Dogs mise tout sur la liberté d’action pour capter le joueur. Il y a bien entendu aussi l’histoire générale du jeu qui est plutôt plaisante malgré un côté prévisible et son manque de vrai retournement de situation. Quant aux thèmes abordés, outre la vengeance bien sûr, cela parle beaucoup d’espionnage, de trahison, de kidnapping ou encore d’intrusion informatique. . . L’autre vecteur, qui peut ou plutôt aurait dû être une motivation supplémentaire pour continuer l’aventure, est l’aspect visuel. Les dernières vidéos ont cependant éventé la surprise : Watch Dogs n’est pas aussi beau que lors de sa présentation en 2012. Il est même assez inégal avec des passages nocturnes et pluvieux très réussis et des moments en plein jour bien décevants. Certaines textures ne sont pas si next-gen et l’éclairage ne propose pas un rendu toujours très satisfaisant. Cela reste joli dans l’ensemble. Mais on est très loin de la claque graphique promise.
La campagne de Watch Dogs se boucle en une bonnee quinzaine d’heures et comprend environ 40 missions. Bien sûr, l’acte V, le dernier, ne constitue en rien la fin du jeu puisque de nombreux à-côtés sont disponibles au fur et à mesure de l’aventure. Le contenu est même assez massif avec une centaine de missions secondaires. De manière générale, on retrouve le même gameplay que dans la campagne principale. Il y a par exemple des courses ou des assassinats à effectuer : des véhicules escortent une personne en particulier et il faut l’abattre. Pour ce faire, on peut créer un accident en jouant avec les feux rouges, ou bien poser des explosifs au sol. . . Divers collectibles sont également cachés un peu partout, notamment dans le cadre d’enquêtes et on recense plusieurs mini-jeux dont certains semblent tout droit sortis de Saints Row. Il y a ainsi des courses aux pièces d’or, des sauts sur des fleurs géantes multicolores ou encore un Digital Trip qui met Aiden Pearce aux commandes d’une araignée robotique (Mecha Spider). Bref, la durée de vie de Watch Dogs est vraiment de qualité et pour ceux qui en veulent toujours plus, on retrouve même des défis aux échecs.
Un mode en ligne est également de la partie. Outre des courses classiques ou un simili-deathmatch caché en un CTF chaotique, on note surtout la possibilité d’envahir un autre joueur. Chicago est une ville dangereuse, de nombreux hackers se baladent dans les rues et sont amenés à se croiser. Si « l’envahisseur » a droit à un petit temps de chargement, la potentielle victime quant à elle ne remarque rien. Tout se fait de manière transparente et elle ignore totalement qu’un autre joueur vient de débarquer. Elle est simplement prévenue par un message au moment où le hack des données débute. Dès lors elle doit, à l’aide de son téléphone, débusquer son adversaire du jour tandis que ce dernier doit se cacher et se faire passer pour un piéton lambda. Naturellement, s’il est repéré, alors il doit fuir. Ou mourir sous le feu ennemi. Dans tous les cas, ce mode de jeu se révèle très réussi. Il y a d’un côté l’envie d’agir furtivement, de trouver le lieu idéal depuis lequel on peut observer l’adversaire sans qu’il puisse repérer l’oppresseur. De l’autre côté, ça reste un excellent coup de théâtre. On découvre qu’on n’est plus seul, qu’on est potentiellement observé depuis de longues minutes. Il faut agir, scanner tous les passants, fouiller les moindres recoins de la zone marquée sur le radar. Puis se venger en tirant quelques balles bien placées. A noter que l’on peut désactiver dans les options la possibilité de se faire envahir.
Watch Dogs reste différent d’un GTA. Ce dernier est d’ailleurs assez unique et propose une meilleure variété tant au niveau de ses missions que de sa map. WD est quant à lui beaucoup plus urbain et met en avant le piratage à toutes les sauces. Cela fonctionne bien, mais les missions restent toutes plus ou moins semblables. La faute à une mise en scène pas assez recherchée. La ville de Chicago n’est pas non plus aussi vivante que Los Santos qui est, d’autre part, beaucoup plus détaillée. Il y a certes de nombreux piétons qui n’hésitent pas à discuter entre eux, mais cela reste assez terne avec des réactions pas toujours convaincantes. Il y a aussi des faits assez curieux. On dénombre plusieurs abris bus, mais aucun bus en circulation. De même, des motos sont garées un peu partout mais on ne voit jamais de motards. Enfin, quand un camion de pompier essaie de se frayer un chemin parmi la circulation toute sirène hurlante, on se rend compte, lors de la poursuite, qu’il n’y a pas d’incendie; simplement des fausses alertes.
En définitive, et ce malgré de beaux efforts, Watch Dogs n’est pas un GTA-Killer. Cela ne remet pas en cause ses qualités et la production d’Ubisoft reste un très bon jeu d’action avec un online plutôt malin, un gros contenu, des mini-jeux surprenants et une campagne solo de bonne facture. Le hacking offre également de chouettes possibilités que l’on soit à pied ou en véhicule, et on prend un malin plaisir à jouer avec Chicago comme allié. Cependant, difficile de fermer les yeux sur des missions dont les objectifs se ressemblent tous. Il manque cette petite étincelle, des moments marquants bénéficiant d’une mise en scène plus explosive. On passe un très bon moment en compagnie du jeu mais le rythme est trop régulier. Nul doute que la très probable suite, d’ailleurs teasée à la fin du jeu, viendra corriger ces quelques défauts car, en l’état, Watch Dogs a un potentiel énorme pour concurrencer réellement GTA. Mais ce dernier reste actuellement intouchable même si, avec ses armes, Watch Dogs reste une alternative intéressante, sans dépasser pour autant le maître.
Watch Dogs est développé et édité par Ubisoft. Jeu sorti le 26 mai sur PlayStation 3, PlayStation 4, Xbox 360, Xbox One et PC, et prévu à une date indéterminée sur WiiU. Version testée : PS4. PEGI 18.