Cela fait maintenant 10 ans que l’on attend une suite au fabuleux Hitman : Blood Money. Il y a bien eu Absolution en 2012, mais celui-ci ressemblait trop à un jeu d’action/infiltration avec de temps en temps des assassinats à effectuer. Il était insatisfaisant en tant que jeu Hitman et manquait cruellement de profondeur. IO Interactive a heureusement retenu la leçon et est revenu aux fondamentaux avec cet Hitman qui n’a droit cette fois-ci à aucun sous-titre —une première pour la série—, comme l’envie de tourner la page Absolution, de signer le grand retour de l’Agent 47 et de reconquérir le coeur des fans, eux qui ne demandent que ça. Une mission finalement un peu trop délicate pour le développeur danois qui ne réussit pas à obtenir le grade de Silent Assassin mais qui s’en sort cependant quand même avec les honneurs.
Cet Hitman a beau être une nouvelle aventure, il nous envoie directement 20 ans en arrière à une époque où l’Agent 47 s’apprête à être recruté par l’ICA via Diana Burnwood et où il doit alors faire ses preuves. Une manière finalement habile de la part de IO Interactive de proposer un didacticiel très plaisant, très loin du tuto’ peu intéressant de Blood Money. Aux abords d’un yacht en bois ou d’une petite base militaire recréée à l’aide de plusieurs planches clouées les unes aux autres, l’homme au code barre (re)découvre les règles du parfait assassin : savoir se déguiser, se fondre dans la foule, ne jamais attirer l’attention, observer l’environnement, frapper au bon moment et cacher les corps. Une bonne liberté d’action est même présente mais pour découvrir la véritable expérience Hitman, il faut retourner dans le présent et se lancer dans la mission se déroulant en France.
Capitale de la mode, la ville de Paris accueille un important défilé ainsi que deux membres d’une agence secrète. Au sein d’un palace au bord de la Seine, l’Agent 47 a pour mission d’éliminer ces deux cibles. La tâche est cependant compliquée puisque la sécurité a été renforcée à chaque étage sans oublier ces gardes du corps qui veillent à chaque instant. Heureusement, notre divin chauve a réussi à se faire inviter et peut donc librement circuler dans certaines zones. Pour aller aux étages ou dans des pièces interdites du public, il faudra donc ruser : emprunter un costume oublié sur un banc, prendre la place d’un serveur ou bien se faufiler dans le dos des gardes, ces derniers étant loin d’être des lumières.
L’IA des précédents jeux Hitman était perfectible, c’est encore le cas dans cet épisode. Même si les gardes réagissent plutôt bien en général, on se rend compte qu’on peut facilement les berner en jetant par exemple une pièce à quelques mètres d’eux. Il y a aussi ces situations ridicules où ils ne remarquent pas cette ombre géante qui se dresse soudainement derrière eux, ou bien lorsqu’ils ne s’étonnent pas de voir 47 sauter par une fenêtre pour éviter un contrôle de sécurité. Le système de costume est également un peu étrange. Pour rappel, dans Absolution, toutes les personnes revêtant la même tenue que notre tueur à gage était susceptible de le démasquer. C’était logique lorsqu’il s’agissait de mécaniciens dans un petit garage, c’était en revanche stupide lorsque le visage de 47 était dissimulé sous une cagoule et que des policiers parvenaient quand même à le reconnaître. Dans le cadre du nouvel Hitman, seules certaines personnes sont susceptibles de détecter une possible usurpation d’identité, ce qui a parfois un côté hasardeux assez déstabilisant, sans être pour autant gênant puisque tout cela est indiqué à l’écran à l’aide d’un élégant petit cercle blanc au dessus de la tête de ces quelques gardes ou VIP.
Ce nouvel Hitman pioche donc un peu dans Absolution tout en rectifiant plusieurs choses. La mini-map est ainsi plus lisible et indique quand 47 se trouve dans des zones interdites, et l’Instinct a été complètement revu. Autrefois, il servait à voir à travers les murs, à révéler la ronde des gardes, à cibler et éliminer en un instant plusieurs cibles, ou encore à cacher son visage avec sa main. Désormais, il sert uniquement de wallhack et son utilité est donc limitée. Les grandes améliorations par rapport à ce précédent épisode se retrouvent au final au niveau de la liberté d’action avec notamment cette possibilité, avant de partir pour Paris, de choisir son équipement, même si celui-ci n’est pas très fourni et qu’on ne peut pas personnaliser ses armes.
Sur place et après avoir admiré ces jolis décors, on est forcément frappé par l’immensité des lieux et les nombreuses personnes qui s’agglutinent à l’entrée des escaliers ou dans certaines pièces. Si la présence de clones est à signaler dans cet Hitman, on note quand même un grand effort de la part de IO Interactive de proposer une foule dense avec des personnes de corpulences différentes et une bonne variété de tenues pour chacun des invités. Cela renforce l’immersion bien entendu, mais cela permet aussi de recueillir de précieuses informations sur l’histoire voire sur la mission en cours puisque les PNJ (personnages non jouables) n’hésitent pas à converser entre eux. On perce alors plus facilement les secrets de ce palace et cela donne de précieux indices sur les pièges que l’on peut tendre à chacune de ces deux cibles.
Les possibilités ne manquent pas sur cette carte parisienne et l’Agent 47 peut être très créatif lorsqu’il s’agit de créer un accident mortel. On regrettera toutefois que certains événements soient scriptés — il faut les déclencher soi-même— tandis que le jeu semble tellement fier de cette formidable liberté offerte aux joueurs qu’il aime spoiler les différents types d’assassinats que l’on peut réaliser. On peut heureusement désactiver ces aides qui gâchent le plaisir de découverte. Il faut néanmoins bien comprendre que ces indications incitent surtout à la rejouabilité et donc à se plonger encore et encore dans cette map afin de la terminer de toutes les manières possibles. Hitman est finalement pris au piège par son propre modèle économique. Avec son format épisodique, cette nouvelle production de IO Interactive offre forcément à son lancement un contenu très léger —seuls un tuto et la mission « Paris » sont disponibles pour le moment. Alors, afin de capter le plus longtemps possible l’attention des joueurs, l’équipe danoise a mis en place un système de niveaux qui, à mesure que l’on progresse dans le jeu et que l’on découvre chacune de ses subtilités, permet de débloquer de nouveaux points d’entrée voire de nouvelles armes comme un sniper. Avoir accès à un tel fusil rend le jeu plus riche, mais il est dommage qu’il ne soit pas disponible dès le début du jeu afin d’offrir directement un maximum de choix.
Si ce procédé vise à rallonger artificiellement la durée de vie d’Hitman, ce n’est en revanche pas le cas du mode Contrat qui demande d’assassiner plus ou moins discrètement une cible choisie par un autre joueur. La carte « Paris » recelant de PNJ, que ce soit des gardes, des VIP, des employés, des top modèles ou tout simplement des invités, la liste est extrêmement longue. Devoir éliminer un chef cuistot peut toutefois paraître moins intéressant qu’un leader d’une organisation secrète. IO Interactive entend alors ajouter régulièrement des cibles éphémères qui disparaîtront pour toujours en cas d’échec. Il y a aussi ce mode Escalade qui propose d’éliminer une cible puis, à chaque essai concluant, augmente la difficulté en joignant de nouvelles conditions. Cela peut vite devenir répétitif, mais on saluera quand même l’initiative qui montre, encore une fois, les nombreuses possibilités qui existent dans ce jeu.
Un peu moins de 4 ans après Absolution, Hitman est enfin de retour et réussit à proposer une expérience proche de Blood Money en se focalisant d’abord sur les assassinats et en offrant une grande liberté aux joueurs. Le résultat n’est cependant pas encore parfait. On pense à cette IA qui manque de consistance, à ces scripts maladroits ou à cette obligation de remplir divers objectifs pour débloquer de nouvelles possibilités, ce qui empêche alors de planifier véritablement comme on le souhaite ce double assassinat dès la première partie. Il est difficile aussi de donner un jugement final sur cet Hitman. Il ne s’agit que du premier épisode et on ne peut dire si la suite de l’aventure sera aussi plaisante que cette carte parisienne. Et puis il y a ce suivi de la part de IO Interactive qui promet d’inclure de nouvelles cibles uniques ou d’améliorer au fur et à mesure le jeu. Outre l’IA qui mérite quelques retouches, on espère que le studio danois corrigera aussi ces temps de chargement pénibles qui peuvent facilement dépasser la minute tandis qu’il faut plusieurs secondes pour afficher les options ou la map du jeu. L’Agent 47 a certes réussi son premier test, il doit toutefois encore faire ses preuves, confirmer ces bonnes impressions et rectifier le tir sur quelques points. Rendez-vous le mois prochain à Sapienza.
Hitman est développé par IO Interactive et édité par Square Enix. Jeu disponible depuis le 11 mars sur PC, Xbox One et PlayStation 4 au format épisodique. Une version boîte sortira en 2017. PEGI 18. Version testée : PS4.