Depuis l’été 2013 et l’épisode Blacklist, Splinter Cell ne fait plus parler de lui. Par l’intermédiaire de Jade Raymond, Ubisoft a bien laissé entendre en 2014 qu’un épisode next-gen —comprendre PS4/One— était prévu, mais depuis, Sam Fisher attend, tapi dans l’ombre comme il sait si bien le faire, que la société française refasse enfin appel à lui. Les temps ont cependant changé depuis Blacklist. Splinter Cell reste une licence forte d’Ubisoft, mais peut-elle encore rentrer dans ses plans?
Né des cendres du projet « The Drift », Splinter Cell a marqué un tournant dans l’histoire d’Ubisoft, alors principalement habitué à concevoir des jeux de course ou à adapter des licences populaires comme Batman en jeu vidéo, même s’il ne faut pas oublier l’éclosion de Rayman ou encore de Ghost Recon, un autre titre estampillé Tom Clancy, sorti quelques mois auparavant. C’est en fin d’année 2002 que Sam Fisher a fait sa première apparition, uniquement sur Xbox. Environ six mois plus tard, ce jeu s’est ensuite infiltré sur PC, GameCube et PlayStation 2. Ces versions diffèrent parfois —niveaux en plus, qualité graphique inégale, nouvelle cinématique réalisée par Florent Emilio Siri— mais l’essentiel y est avec une aventure bien ficelée reposant avant tout sur l’infiltration. Splinter Cell fait alors un peu penser à Thief ou aux aventures de Solid Snake. Pour l’anecdote, autrefois, Ubisoft avait tout simplement demandé à son studio de Montréal de concevoir un « Metal Gear Solid 2 killer.«
Splinter Cell et les 2 premiers MGS sont finalement des jeux assez différents. Il y a forcément quelques similarités puisque ces titres épousent chacun le thème de l’infiltration, mais dans les faits, Solid Snake et Sam Fisher n’opèrent pas de la même façon. Dans la forme, on retrouve aussi un autre point commun, celui d’avoir un héros reconnaissable en un coup d’oeil. Que serait ainsi Snake sans son bandana? Pour Fisher, il y a bien sûr ces lunettes vertes devenues avec le temps un symbole de la série, mais aussi ce geste unique, ce grand écart entre deux murs. Dès le premier épisode, Ubisoft a pensé à soigner au maximum son jeu et a même engagé Daniel Berreta au doublage, soit la voix française d’Arnold Schwarzenegger. Ces éléments, couplés à la grande qualité du jeu, ont payé puisque Ubisoft indique avoir écoulé en 24 heures l’ensemble des stocks européens. Au fil du temps, la série a évolué et a réussi à influencer plusieurs jeux. Splinter Cell a ainsi permis à son niveau de démocratiser la caméra au dessus de l’épaule lors des gunfights par exemple, tandis que Conviction a apporté le Mark & Execute repris ensuite par Hitman Absolution ou des déplacements plus fluides entre plusieurs couvertures, chose que l’on a pu revoir dans Watch Dogs.
L’âge d’or de Splinter Cell est cependant révolu. Entre 2002 et 2005, il y a eu autant de jeux majeurs qu’entre 2006 et 2013. Ces dernières années ont ainsi été compliquées pour Sam Fisher. Après un très long développement, Conviction a voulu dépoussiérer la formule originale, quitte à déstabiliser les fans. Sorti 3 ans plus tard, Splinter Cell Blacklist a quant à lui essayé de plaîre à la fois aux adeptes de la série et au grand public. Le jeu est ainsi très complet avec du solo, du coop et du multi asymétrique, le gameplay est bien plus souple et il est largement possible de faire chaque niveau en flinguant tout le monde avec un fusil d’assaut. Ce grand écart a plutôt convaincu la presse —Blacklist a obtenu entre 75 et 84 sur Metacritic suivant les plateformes— et un peu moins les joueurs puisqu’en novembre 2013, Ubisoft n’avait écoulé que 2 millions d’exemplaires de la dernière aventure de Sam Fisher. Il s’agit certes d’un bon résultat, mais pour l’éditeur français, on tend plus vers un petit échec commercial puisqu’il était prévu de vendre environ 5 millions de jeux.
Depuis la sortie de Blacklist, Ubisoft a grandement changé. Lors d’un rendez-vous avec ses investisseurs en février dernier, Ubisoft, par l’intermédiaire d’Yves Guillemot, son Président, a présenté sa stratégie pour les prochaines années : miser sur les jeux multijoueur et les titres en monde ouvert pour ceux qui privilégient le solo. Splinter Cell n’entre dans aucune de ces deux catégories en l’état, ce qui tend à signifier que la série va devoir évoluer. L’open world est une possibilité et a permis, il y a quelques mois, à Metal Gear Solid V de briller, mais ce créneau est semble-t-il déjà pris par Ghost Recon Wildlands, un jeu d’action à la troisième personne permettant de jouer seul ou à 4 en coop et de privilégier l’infiltration ou les démonstrations de force. Le virage multijoueur n’est pas à exclure —après tout, le mode Spies vs Mercs a toujours eu bonne presse—, mais la série est principalement connue pour son solo.
Si un retour paraît un peu compliqué, il ne faut pas pour autant enterrer Splinter Cell. C’est une des licences fortes d’Ubisoft avec plus de 30 millions de jeux vendus depuis sa création au début des années 2000. Le géant français prépare sans doute le retour de Sam Fisher, mais actuellement, les priorités se nomment The Division, Watch Dogs 2, Ghost Recon Wildlands et For Honor. Un joli catalogue auquel il faut en plus rajouter une nouvelle licence en gestation du côté d’Ubisoft Toronto, le studio ayant justement élaboré Splinter Cell Blacklist auparavant. On peut quand même espérer avoir une petite annonce lors du prochain E3. Il ne faut pas oublier qu’un film par la Fox avec Tom Hardy dans le rôle de Sam Fisher est en préparation. Le salut de Splinter Cell pourrait donc passer par la case cinéma. Il se dit que cette super-production arrivera sur grand écran en 2017; peut-être que cela coïncidera alors avec un nouveau jeu. Mais si on prend le cas d’Assassin’s Creed, cela n’est pas une certitude; le projet Assassin’s Creed Empire a officiellement été repoussé d’un an alors que le film sortira en décembre 2016. Et c’est finalement une bonne chose : Ubisoft entend mener à bien chacun de ses projets et n’hésite donc plus à repousser ses jeux. Mais le temps commence à se faire long et l’aura de Splinter Cell tend à diminuer.