Nous sommes le 29 mai 2020. C’est aujourd’hui qu’aurait dû sortir The Last Of Us: Part II. Les récents événements —le coronavirus pour ne pas le citer— ont modifié les plans de Sony et de Naughty Dog. Le jeu est désormais prévu pour le 19 juin. Alors, pour patienter, on a refait le premier épisode avec cette question en tête: sept ans après, The Last Of Us a-t-il bien vieilli?
Cet article ne contient aucun spoil sur The Last Of Us: Part II. En revanche, il revient grandement sur le premier épisode.
Quelques semaine seulement après la sortie d’Uncharted 3, Naughty Dog et Sony révélaient The Last Of Us. Le monde entier était surpris par cette annonce. On ignorait que le studio californien hébergeait désormais une seconde équipe dans ses locaux. Deux éléments auraient néanmoins dû nous mettre la puce à l’oreille. Au tout début d’Uncharted 3, dans le bar O’Sullivan’s, un journal évoque le Cordyceps, ce parasite qui transforme les humains en monstres. Ce même bar est d’ailleurs présent dans The Last Of Us, avant la rencontre avec Sam et Henry. Le second indice était le générique de fin d’Uncharted 3. Ni Neil Druckmann, ni Bruce Straley n’étaient mentionnés. Il s’agissait pourtant du Lead Game Designer et du Game Director d’Uncharted 2: Among Thieves.
Joel, Ellie, Marlene, Tess, Bill, Henry, Sam, David…
Après Uncharted 2: Among Thieves, ce duo s’est mis en tête de produire une nouvelle licence. Avec une petite équipe, ils ont travaillé sur The Last Of Us dès 2009. Puis en juin 2013, après un report, le jeu est sorti. Avec le succès qu’on lui connait. Une moyenne de 95/100 sur Metacritic. Et surtout, une très bonne critique sur un site de très grande qualité. Nous évoquions tout simplement un « jeu exceptionnel.«
Un an plus tard, The Last Of Us est ressorti sur PlayStation 4 dans une version remasterisée. Il incluait tous les DLC (solo et multi) et réhaussait nettement les graphismes du jeu, jusqu’à apporter du 1080p à 60FPS.
Avec le temps, pas mal de jeux prennent un petit coup de vieux. La trilogie Uncharted n’a pas le même impact aujourd’hui qu’à sa sortie, par exemple. De manière générale, beaucoup de titres PS3/Xbox 360 semblent dépassés. Pour The Last Of Us, les choses sont différentes. Le temps n’a pas d’emprise sur lui.
Ma sauvegarde de The Last Of Us: Remastered datait d’août 2014. J’avais entièrement refait le jeu, publié le test, puis étais passé à autre chose. Six ans plus tard, j’ai donc relancé le jeu. En survivant+, histoire de grappiller quelques trophées supplémentaires. Opter pour le mode « très difficile » dans The Last Of Us n’est pas si dérangeant. Il faut juste accepter le fait de recommencer plusieurs fois quelques passages. La véritable différence avec les autres mode de difficulté est le très faible nombre de munitions. Si on vise juste, c’est bon. Si on tire à côté, on meurt.
David: Everything happens for a reason
Mais revenons aux premières minutes du jeu. On oublie trop souvent à quel point le début d’un jeu est important. Combien débutent par un tuto interminable et inintéressant? Ou par une cinématique où tout sonne faux? Ce n’est pas le cas dans The Last Of Us. Après une courte intro qui présente Sarah et Joel, son père, on prend le contrôle de la jeune fille. Il est tard dans la nuit, et son téléphone la réveille. On comprend rapidement que la situation n’est pas normale. En regardant par la fenêtre, on détecte une violente explosion au loin. Et quand Sarah retrouve Joel, au rez-de-chaussée de la maison, ce dernier est obligé d’exécuter sous ses yeux son voisin. Tommy, le frère de Joel, débarque, et le trio décide de fuir la ville en voiture.
Coincé dans ce véhicule, on devient spectateur. On ne contrôle que la caméra; ce n’est pas nous qui conduisons. On comprend mieux tout ce qui est en train de se passer en regardant par la fenêtre. Le monde actuel est en train de basculer dans l’horreur. Les gens mutent tuent sauvagement chaque personne qu’ils croisent
Un accident de voiture a lieu, Sarah se retrouve blessé. Joel la prend dans ses bras et tente de s’échapper de cette ville en flamme. Les deux personnages ne font qu’un. Jusqu’à cette rencontre avec ce soldat. Il tente de négocier en vain avec sa hiérarchie. Il doit suivre les ordres: personne ne doit quitter la zone. Alors il tire. Et tue Sarah. Le générique de The Last Of Us démarre. Des flashs info racontent précisément ce qui s’est passé. On évoque notamment une épidémie, une hausse des admissions dans les hôpitaux… Ça rappelle hélas ce que l’on a vécu ces derniers temps.
Ellie: it can’t be for nothing
Cette intro est parfaitement rythmée. Et c’est finalement à l’image du jeu. Tout est parfaitement maitrisé. Il n’y pas de temps mort, ou de séquences trop longues. Certes, après le générique, tout est un peu plus lent, mais c’est pour enseigner les bases du gameplay et mettre en place le scénario. Avec Tess, il faut retrouver Robert. Puis on tombe sur Marlene qui nous confie Ellie. C’est alors que le jeu débute réellement.
Tout au long de ces 12 heures, on ne cesse d’évoluer dans des décors variés au rythme des saisons. The Last Of Us est finalement découpé en plusieurs épisode avec un fil rouge: emmener Ellie à l’autre bout des Etats-Unis. Elle a autrefois été mordue par un infecté et ne s’est jamais transformée. Elle est immunisée et c’est peut-être elle qui permettra la découverte d’un vaccin.
Encore aujourd’hui, on est frappé par la justesse de chacun des personnages et des dialogues. Tout est justifié, cohérent, et rien ne semble forcé. Les visages paraissent un peu figés par moment, mais on reste saisie par ce jeu d’acteur. Visuellement, The Last Of Us: Remastered reste encore très beau de nos jours. Il est même plus réussi que pas mal de productions actuelles. Et on n’ose même pas évoquer le jeu Fast & Furious.
La narration, l’évolution et l’écriture des personnages restent le point fort de The Last Of Us. La relation Joel – Ellie est géniale. Au début, il l’a voit comme un simple colis. Puis elle devient presque une seconde fille pour lui; c’est sans doute pour ça qu’il lui ment à la fin. On peut aussi évoquer David —doublé par Nolan North— qui réussit à gagner notre confiance pour mieux nous trahir, ou le désespoir de Tess.
Il ne faut pas oublier que le gameplay de The Last Of Us reste très bon. Alors oui, on déplace beaucoup de planches en bois, de poubelles et d’échelles pour atteindre des hauteurs. Mais quand on évoque le gameplay du jeu, on pense surtout à ses affrontements. La discrétion est privilégiée pour éliminer les ennemis et les monstres. On se déplace accroupi, on peut jeter des briques au loin pour faire diversion, on élimine furtivement les adversaires au corps à corps… Ce n’est pas très varié, ce n’est pas un gameplay révolutionnaire, il n’y a aucune fonctionnalité inédite que l’on pourrait inscrire au dos de la pochette. Et pourtant, il est très bon. Le fameux classique mais efficace.
Joel: I swear.
The Last Of Us se distingue nettement d’un Uncharted. Joel est bien plus lourd à contrôler que Nathan Drake. Le gameplay se veut plus réaliste, à l’image de quelques passages spectaculaires. Dans The Last Of Us, ce sont des moments qui semblent vrais. Dans Uncharted, c’est Hollywood —ce qui n’est pas du tout un défaut, au contraire. L’aventure de Joel et Ellie a un ton bien plus grave. Le monde dans lequel ils évoluent est extrêmement violent. The Last Of Us est d’ailleurs très gore. Les corps sont déchiquetés lors des échanges de coups de feu, les éliminations au corps à corps sont sanglantes… On ressent vraiment l’impact de chaque balle, de chaque coup.
La santé de Joel est fragile, ses munitions rares. Il s’installe alors une véritable tension lors de chaque affrontement. On sait très bien qu’on peut mourir d’une simple morsure et qu’on n’a pas le droit de rater ses tirs. C’est ça la réussite de The Last Of Us, même aujourd’hui: ce sentiment de fragilité.
Tout n’est pas parfait, bien sûr. L’intelligence artificielle est sans doute le plus gros défaut du jeu. Les ennemis s’en sortent bien mais les alliés sont en revanche à pointer du doigt. Ellie bénéficie d’un étrange totem d’immunité; les adversaires ne la remarquent presque jamais même lorsqu’elle se déplace n’importe comment. Et les personnes qui nous accompagnent sont parfois désespérante. Bill s’amuse à ainsi à tirer dans le tas quand on essaye d’éviter discrètement des ennemis.
Malgré tout, The Last Of Us reste encore aujourd’hui le chef d’oeuvre d’autrefois, un titre émouvant capable d’émerveiller à tout moment. Emportée par une excellente bande-son, c’est une aventure maitrisée du début à la fin, et d’une justesse incroyable. Maintenant la question est: quel impact aura The Last Of Us Part II sur cet épisode? Peut-il le compléter parfaitement? Ou bien monter à quel point on peut faire mieux maintenant? Ou au contraire, confirmer que The Last Of Us est réellement intouchable?