L’annonce de ce lundi aura surpris tout le monde: contre 7,5 milliards de dollars, Microsoft s’est offert Bethesda. Cela signifie que la branche Xbox possède désormais les licences DOOM, The Elder Scrolls ou encore Wolfenstein et Fallout. Cela veut dire également que Sony risque de perdre les suites de ces jeux. Comment le Japonais peut-il réagir dans cette situation? Et surtout, peut-il réagir?
Microsoft a des moyens que Sony n’a pas
Xbox se permet des investissements que PlayStation n’ose pas faire. C’est simple, le rachat de Bethesda par Microsoft a coûté 7,5 milliards de dollars. La branche jeu vidéo de Sony a quant à elle accumulé près de 8 milliards de bénéfices… en 8 ans.
Microsoft agit ainsi car il en a les moyens, bien sûr, et parce qu’il vise le long terme. L’Américain l’a déjà dit: il pense qu’à l’avenir, ses adversaires seront Amazon et Google. Le premier cité pourrait se lancer dans le cloud gaming début 2021. Le second a quant à lui dégainé Stadia, un service intéressant car performant, mais qui ne séduit pas (encore) les joueurs.
Microsoft mise en fait tout sur le Xbox Game Pass, ce Netflix du jeu vidéo. Et pour ça, il lui faut du contenu régulier et de grosses productions. C’est pour cette raison qu’il rachète à tour de bras des studios.
Sony a en revanche une vision plus traditionnelle du jeu vidéo. Le PSNow est un service annexe. Ce qui compte, c’est que la PlayStation 5 se vende bien et que la console accueille plusieurs fois par an des blockbusters en provenance de ses studios internes. Un jeu comme Marvel’s Spider-Man (2018), c’est plus de 10 millions de ventes et donc d’importants revenus à court terme.
Le Xbox Game Pass n’est pas (ou peu) rentable à l’heure actuelle. Mais à long terme, il le sera peut-être. C’est un sacré pari que prend là Microsoft. Pour ça, il multiplie les risques financiers, chose que n’ose pas faire Sony. Pourquoi? Car les deux constructeurs ont des stratégies différentes.
Sony rachète des studios oui, mais pas des gros éditeurs
Certes, Microsoft rachète pas mal de développeurs, mais Sony ne se prive pas non plus pour faire des acquisitions. A l’été 2019, il s’est ainsi offert Insomniac pour un peu moins de 230 millions de dollars. C’est un nombre peu élevé pour une raison simple: le studio californien ne possédait pas les licences fortes sur lesquelles il travaillait. Que ce soit Ratchet & Clank, Resistance ou Spider-Man, ces franchises sont la propriété de Sony ou de Marvel.
Dans le passé, Sony a aussi racheté Sucker Punch (Sly Raccoon, inFamous, Ghost Of Tsushima) et Media Molecule (LittleBigPlanet, Tearaway, Dreams). Les sommes ne sont pas connus et ne sont sans doute pas si élevées. Comme pour Insomniac, ces studios travaillaient principalement sur des licences appartenant déjà à Sony.
Sony a en fait l’habitude de racheter des studios avec lesquels il collabore depuis un certain temps. Si à l’avenir il devait ressortir le chéquier, on miserait alors sur Bluepoint (remakes de Shadow Of The Colossus et Demon’s Souls) ou Housemarque (Returnal). On peut supposer que si The Order 1886 avait fait un carton, alors Ready At Dawn aurait peut-être été racheté.
S’il fallait faire une acquisition à la hauteur de Bethesda, Sony devrait alors jeter son dévolu sur Square Enix (Final Fantasy, Tomb Raider), Electronic Arts (FIFA, Battlefield), Take Two (GTA, NBA 2K) ou encore Capcom (Monster Hunter, Resident Evil). Cela signifierait toutefois faire un chèque de plusieurs milliards de dollars. Est-ce que Sony peut se permettre un tel effort? Ce n’est pas sûr. Ça lui ferait du bien, c’est certain, mais ce serait un investissement colossal.
Après l’annonce du rachat de Bethesda par Microsoft, on a pu lire que Sony devait absolument racheter untel ou untel. Parmi les noms cités, en plus de ceux déjà évoqués plus haut, il y avait par exemple SEGA-Atlus. Ce dernier se concentre toutefois sur le marché PC et ses JRPG sont déjà plus ou moins exclusifs à la PlayStation. On pouvait aussi lire le nom de Konami. Il faut toutefois se rendre compte que Metal Gear, sans Kojima, ça n’a pas la même saveur. Contra et Castlevania n’ont plus la même aura qu’autrefois. Et il reste Silent Hill qui est une saga magnifique. Mais tout ça ne pourrait pas rivaliser avec DOOM, Fallout, The Elder Scrolls…
Enfin, de manière générale, Sony préfère acheter un savoir-faire que des licences. A-t-il raison? A-t-il tort? C’est difficile à dire car jusque-là, cette stratégie est plutôt un succès.
Sony n’est pas obligé de racheter (mais c’est jouer avec le feu)
Il est bien important de rappeler une chose: Bethesda refuse de préciser si ses futures productions seront exclusives ou non aux Xbox Series X|S. Ce sera au cas par cas, paraît-il. C’est effectivement ce qui se passe avec Mojang qui a porté sur Switch et PlayStation 4 Minecraft Dungeons.
Il ne faut pas non plus oublier que Microsoft et Bethesda ont une casquette d’éditeur. Ça signifie qu’il faut rentabiliser les investissements faits. Or, des titres comme Starfield, The Elder Scrolls VI et le prochain Fallout auront sans doute un budget bien supérieur à 100 millions de dollars.
Au delà de cette incertitude, on peut prendre le cas de Nintendo. La firme de Kyoto n’a pas besoin de racheter des studios aux 4 coins de la planète pour que sa Switch et ses jeux se vendent comme des petits pains. Sa dernière console repose sur un modèle hybride très séduisant et Nintendo mise uniquement, ou presque, sur ses licences historiques. Pour cette fin d’année, il a ainsi ressorti les Mario en 3D, sans effectuer de grandes retouches. Et ça cartonne.
Sony pourrait donc devenir une sorte de Nintendo Next-Gen avec ses propres licences fortes: God Of War, Horizon, Ratchet & Clank, Uncharted, The Last Of Us, Marvel’s Spider-Man… Il devrait toutefois faire face à un sérieux problème : le manque de jeux de rôle occidentaux. Dans ce domaine, Microsoft possède maintenant inXile (Wasteland), Obsidian (The Outer Worlds, Fallout New Vegas), Playground (Fable) et donc Bethesda (Starfield, Fallout, The Elder Scrolls). On notera aussi qu’indirectement, Microsoft met en concurrence toutes ses équipes.
Il faudra voir si à terme il n’y aura pas de déficit de jeux pour Sony. Cela dit, le géant japonais à des ressources. Depuis un petit moment, il augmente la taille des effectifs de ses studios. Guerrilla a ainsi deux équipes. Il se murmure que c’est la même chose à Santa Monica, les créateurs de God Of War. Au final, si chacun des PlayStation Studios est capable de gérer plusieurs projets en même temps, ce pourrait être une excellente alternative au rachat d’autres sociétés. Cependant, en face, Microsoft semble avoir un sacré appétit et prévoirait d’autres acquisitions…