Peut-être est-ce là l’effet des nombreuses fuites qui ont annihilé toute surprise. Ou peut-être est-ce tout simplement l’effet du temps qui, à l’aube du neuvième épisode majeur de la série, érode petit à petit l’aura de cette saga entamée en 2007. Dans chacun des cas, le résultat est le même : seulement quelques jours après l’officialisation d’Assassin’s Creed Syndicate, cet opus ne fait pas forcément l’unanimité. Que ce soit sur les réseaux sociaux ou sur les forums, les critiques acerbes se font désormais plus présentes aux côtés des très nombreux messages positifs : reproches liés à Unity, désaccords dans l’évolution du gameplay, déception quant à la période choisie. . . Le chemin du succès semble parsemé d’embûches pour celui que l’on appelait encore il y a quelques semaines Victory.
Le développeur principal change, mais la philosophie reste la même. Ubisoft Québec a ainsi pris les rênes de la série pour cet épisode, mais le studio canadien reste épaulé par 8 équipes réparties aux quatre coins du globe : Montréal, Singapour, Annecy, Montpellier, Reflections, Chengdu, Kiev et Shanghai. Au même titre que les précédents opus, Assassin’s Creed Syndicate est un projet d’une immense envergure nécessitant le déploiement de multiples ressources, notamment afin de recréer avec fidélité le Londres époque victorienne. Mais Ubisoft Québec, en sa qualité d’architecte en chef, compte bien proposer plus qu’une simple modélisation de la capitale anglaise : il entend laisser sa propre trace dans la série en révolutionnant quelque peu le gameplay de cet épisode.
Assassin’s Creed Syndicate mettra ainsi en avant deux personnages principaux : Jacob Frye, un rebelle friand d’attaques au corps-à-corps, et Evie Frye, la soeur jumelle spécialisée dans l’infiltration. Deux héros aux caractéristiques différentes pour sans doute deux styles de jeu assez opposés. Mais ce qui ressort surtout de la présentation de mardi dernier, ce sont des affrontements rapprochés plus brutaux et des déplacement facilités grâce à l’apparition d’un grappin pouvant se muer on ne sait trop comment en tyrolienne. Le combat à l’épée est ainsi relégué au second plan au même titre que le parkour dont l’intérêt devient forcément moindre. Pourquoi perdre quelques secondes en escaladant la façade d’un immeuble alors qu’on peut arriver sur le toit de celui-ci en un clin d’oeil? A mesure que l’ère moderne se rapproche à grands pas, la série évolue et s’éloigne finalement un peu plus de ses bases, tout en perdant aussi ce qui faisait son originalité. Difficile en effet de ne pas penser à la quadrilogie Batman Arkham en voyant Jacob traverser les rues de Londres grâce à son grappin puis frapper violemment des ennemis repérés au préalable grâce à la vision d’aigle —fonctionnalité néanmoins présente depuis la première aventure d’Altaïr.
Ubisoft a aussi fait le choix de zapper toute forme de multijoueur, pourtant l’un des piliers de la franchise depuis Brotherhood (2010). Assassin’s Creed Unity ne disposait certes d’aucun mode multi compétitif, mais on retrouvait à la place dans cet épisode l’introduction d’un mode coop dans le cadre de missions scénarisées. Avec Syndicate, l’éditeur français fait donc le choix de se focaliser uniquement sur l’aventure solo et ses diverses mécaniques de jeu. Une décision qui se comprend aisément quand on repense au dernier épisode dont le lancement fut des plus mouvementés. Bien que repoussé d’une quizaine de jours et disposant d’un patch day-1, Assasin’s Creed Unity connut en effet des débuts des plus laborieux entâchés de nombreux bugs qui ont rapidement fait le tour du web, ternissant ainsi la réputation du titre. Face à ces soucis, Ubisoft fut dans l’obligation de déployer de nombreux patchs dont certains corrigeaient plus de 300 bugs, et d’arrêter le season-pass de cet opus.
https://twitter.com/jasonschreier/status/598164215078232064
Un sentiment de méfiance se dégage donc à la vue d’Assassin’s Creed Syndicate. La réaction mitigée d’une partie du public découle également d’une présentation qui était parfois graphiquement inégale. Sur Twitter, Jason Schreier, le journaliste de Kotaku qui avait révélé en décembre 2014 les premiers détails sur cet épisode, a même indiqué que le target-render auquel il avait eu accès était assez éloigné de la vidéo diffusée cette semaine. Mais peut-on vraiment en vouloir à Ubisoft d’avoir finalement accepté de jouer franc jeu? Il s’agissait certes d’une version PC tournant initialement en 2560×1440 selon Digital Foundry, mais en l’état, on est loin des trailers largement retouchés. Preuve en est les quelques bugs graphiques et certains éléments en retrait comme cette intelligence artificielle un peu trop éteinte. Étant également déjà le 3ème épisode à sortir sur Xbox One et PlayStation 4, Assassin’s Creed Syndicate ne pourra plus surfer sur la hype de la next-gen et ne pourra de ce fait compter cet automne que sur ses propres forces pour s’imposer. On pense naturellement à son gameplay très accessible et fluide, son contenu gargantuesque, son ambiance ou encore sa brillante modélisation. Mais cela suffira-t-il? Et surtout, à 5 mois de sa sortie, saura-t-il éviter tout effet de mauvaise surprise? Assassin’s Creed Syndicate a encore tout à prouver.