Il y a un peu plus de 15 ans, GTA n’était pas encore le rouleau-compresseur qu’il est aujourd’hui. C’était une série notamment appréciée pour son action non-stop —voire même dans certains cas pour son côté immoral—, mais son succès restait modeste. Puis un 26 octobre 2001, en Europe, il y a eu GTA III, un titre qui a révolutionné la série et même le monde du jeu vidéo.
GTA III aurait pu ne jamais exister. A l’origine, DMA Design planchait sur le prototype d’un jeu dans la veine de Godzilla. Le petit studio anglais se rendit alors compte que tout le travail effectué sur ce projet seyait parfaitement à un éventuel GTA III. La décision fut alors prise d’embrayer sur ce troisième véritable épisode, le tout, avec un seul objectif en tête: offrir la même variété et la même liberté en 2D qu’en 3D. La suite est connue. Conçu par une équipe composée d’une vingtaine de personnes, GTA 3 est un énorme succès mondial avec plus de 15 millions de ventes (et 25 millions toutes plateformes confondues) alors que la série ne s’était écoulée qu’à 4 millions d’unités jusque-là.
GTA III est d’autant plus impressionnant qu’il a su dès le départ établir la plupart des codes de la série, tout en influençant un nombre incroyable de productions par la suite. Ce troisième épisode majeur nous met ainsi dans la peau d’un voyou, un gangster qui a cette fois-ci la particularité d’être muet. Il exécute chacun des ordres sans la ramener. Il n’a pas de véritable personnalité si ce n’est celle que le joueur est libre de lui inventer. Claude, c’est son nom, est également entouré d’un casting haut en couleur, au langage souvent fleuri; des personnages qui vont le guider et l’accompagner tout au long du jeu à travers les nombreuses cinématiques qui rythment le jeu.
D’un point de vue gameplay, GTA III abandonne sa vue aérienne pour placer la caméra derrière le joueur, histoire d’assurer une parfaite immersion et de contempler plus facilement cette ville aux quartiers uniques. Liberty City est d’ailleurs découpée en 3 îles —pour une meilleure progression— et s’inspire de New York. L’utilisation de la mini-map est alors indispensable pour naviguer à pieds ou en voiture dans ce labyrinthe urbain. GTA III est un jeu qui mélange en effet les genres (action, courses. . .) jusqu’à en créer un nouveau, le sien. C’est une aventure avec un fil rouge, mais le joueur est également libre d’explorer comme bon lui semble la carte, généralement au volant d’un puissant bolide et en écoutant une large sélection musicale. Le titre de DMA a également la bonne idée d’intégrer un cycle jour/nuit —et même la météo— qui bloque certaines missions suivant le moment de la journée.
GTA III est un jeu révolutionnaire, mais à l’époque, il ne générait pas de buzz. Du côté du catalogue Rockstar, les journalistes n’avaient d’yeux que pour State Of Emergency, un beat’em all. Sony non plus n’était pas vraiment intéressé par ce GTA. A l’E3 2000, le constructeur japonais multipliait les rencontres avec les éditeurs pour offrir à sa PlayStation 2 des exclusivités, généralement en échange d’une campagne marketing ou l’accès à de nouveaux kits de développement. Au cours d’une réunion avec Rockstar, Sony jeta justement son dévolu sur State Of Emergency. David Reeves, qui menait les négociations pour le constructeur nippon, demanda ensuite à l’éditeur s’il avait un autre jeu à montrer. La réponse fut positive et cet autre jeu était tout simplement GTA 3. Des responsables de Sony observèrent alors ce titre et indiquèrent que ce GTA 3 n’était pas mauvais d’un point de vue technique et qu’il était innovant sans être un monstre pour autant. Un accord fut alors trouvé et, selon les termes employés par David Reeves, il fut « remarquablement peu cher.«
Le succès de GTA 3, Rockstar le doit notamment à un homme: Leslie Benzies. C’est lui qui a supervisé et imaginé le jeu, tout en prêtant main forte aux designers et aux programmers. Après la sortie de cet épisode, il fut propulsé à la tête de Rockstar North (ex-DMA), puis travailla sur les autres jeux de la série jusqu’à GTA V et, surtout, GTA Online, ce mode multijoueur qui assure chaque trimestre à Take Two de confortables revenus. Cette belle histoire a cependant pris fin il y a quelques mois puisque Leslie Benzies est désormais en procès avec son ancien employeur et réclame pas moins de 150 millions de dollars pour royalties impayés.
Sans surprise, les polémiques se sont enchaînées à la sortie de GTA 3. La violence du titre a ainsi été plusieurs fois pointée du doigt, au même titre que sa possible glorification du crime. Des accusations balayées par DMA à l’époque, par le biais de Leslie Benzies. « Le but principal n’est pas de tuer le plus de monde possible, car cela dévaloriserait l’expérience de jeu que nous avons créée et insulterait l’intelligence du joueur« , dit ainsi l’ancien Lead Producer sur ce projet, avant de rappeler que le jeu « ne doit pas être pris au sérieux » et que le gameplay se concentre avant tout sur l’élimination « des autres criminels et non des passants innocents.«
DMA avait pourtant pris quelques précautions pour éviter de choquer avec ce GTA 3. A la suite des attentats du 11 septembre 2001, le studio britannique a ainsi décidé de repousser de quelques jours la sortie du jeu afin d’effectuer quelques modifications. Parmi-elles, on recense une modification des couleurs des véhicules de police afin d’éviter une quelconque ressemblance avec ceux de la ville de New York. La disparition de Darkel n’a en revanche aucun lien avec la double attaque du World Trade Center. Ce personnage a, selon Rockstar, été supprimé plusieurs mois avant ce 9/11 car ses missions n’ont pas été jugées assez bonnes à l’époque. Il apparaît en revanche dans les crédits du jeu, ce qui a forcément intrigué de nombreux fans à l’époque, au même titre que la présence du Dodo, cet étrange avion qui ne peut pas vraiment voler.
GTA 3 est le véritable point de départ de la folie GTA, un jeu qui a modifié le paysage vidéo-ludique et qui a permis à la série de Rockstar de tutoyer les sommets, tant d’un point de vue critique que commercial. Désormais, GTA a dépassé les 230 millions d’unités écoulées. Un résultat atteint grâce au cinquième épisode qui est responsable d’un quart des ventes au total, mais surtout, grâce à cette aventure à Liberty City qui a mis la série sur les bons rails, ceux du succès.