vendredi, novembre 22, 2024
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Google Stadia : histoire d’un rendez-vous manqué

Stadia, c’est fini. Google a confirmé qu’il débrancherait sa plateforme de cloud gaming le 18 janvier 2023. Ce service aura donc (sur)vécu moins de 40 mois… Sa place est désormais au ciel, aux côtés de YouTube Gaming, Google+ ou Hangouts. La liste est longue ; elle a même droit à un site dédié : KilledByGoogle.

Cette décision n’est guère surprenante : Stadia n’a jamais réussi à attirer les joueurs. Cela ressemble alors à un beau gâchis. Il est évident que Stadia avait un immense potentiel. Mais jamais Google n’a su l’exploiter.

Dès son annonce, nous avions des doutes. Et lorsque Google a détaillé l’offre Stadia, ceux-ci sont restés. Cette plateforme de Cloud Gaming n’aura jamais réussi à convaincre et à décoller. Pourtant, sur le papier, elle avait tout pour réussir.

Stadia a sans doute été lancé trop tôt. Il a débarqué en novembre 2019. La PS4 et la Xbox One sont alors en fin de vie ; la PS5 et la Xbox Series X|S n’arriveront pas avant un an. Google a les moyens de prendre de court ses adversaires. A la place, il se met à leur niveau.

Le lancement est marqué par des titres multi-plateforme. Stadia propose en fait la même chose qu’ailleurs. Or, pour que les joueurs acceptent de quitter leurs habitudes, leur bibliothèque de jeux ou leur liste d’amis, il faut de sérieux arguments. Celui de Stadia est cette promesse de pouvoir jouer depuis n’importe quel écran.

La technologie est là, elle fonctionne parfaitement. Mais le grand public doute car c’est nouveau. Pour dissiper cela, peut-être aurait-il fallu sortir un Free-To-Play. Ça aurait été le meilleur moyen —à la fois le plus facile et le plus rapide— pour tester le Cloud Gaming depuis n’importe où.

Dans les faits, la liste des appareils compatibles était toutefois réduite au lancement. Par exemple, pour jouer sur smartphone, il fallait forcément un Pixel.

Un manque d’ambition dans l’offre de jeux

Google avait la technologie mais pas les jeux. Ou du moins pas de jeux capables de faire la différence. On retrouvait surtout le catalogue de Bethesda et Ubisoft ; c’est-à-dire des titres déjà disponibles ailleurs. En terme d’exclusivité, le géant américain a misé sur deux petites productions. D’un côté Gylt, qui rappelait un peu Little Nightmares. De l’autre, Get Packed, une sorte d’Overcooked avec des déménageurs.

On est loin d’un Zelda : Breath Of The Wild qui justifiait à lui seul l’achat d’une Switch.

Il se dit que les développeurs étaient frileux à l’idée de rejoindre Stadia. Google aurait alors dépensé plusieurs dizaines de millions de dollars pour les inciter à porter leurs jeux sur cette plateforme.

En parallèle, l’Américain a aussi bâti Stadia Games and Entertainment (SG&E). Cette entité, née en 2019, devait superviser toutes les productions internes. Car oui, Google avait ses propres studios de développement. Il a même racheté Typhoon (Journey To The Savage Planet) ou monté de nouvelles structures. L’une d’elles était dirigée par Shannon Studstill, ancienne directrice de Sony Santa Monica.

Puis en février 2021, Google a annoncé la fermeture de SG&E.

Concevoir un jeu vidéo est extrêmement compliqué. Encore plus quand il s’agit d’un triple A. Cela demande beaucoup de temps et énormément d’argent. Amazon a mis des années avant de sortir un titre qui tient la route. Google, lui, n’avait pas de temps à perdre. Et il est difficilement compréhensible qu’il s’y soit pris aussi tard.

On peut aussi se demander pourquoi Google n’a pas essayé de racheter un puissant éditeur. Le géant américain en a largement les moyens ; mais ce n’est pas une raison pour gaspiller sa petite fortune.

Un retard à l’allumage

A sa sortie, en 2019, Stadia n’était pas prêt. Il n’avait pas les jeux, pas les exclusivités, et pas les fonctionnalités. L’intégration de Youtube au service —streamer sa partie, permettre aux gens de rejoindre— a ainsi mis plusieurs mois pour arriver. Il en va de même pour la compatibilité iOS.

Il y a toujours eu un problème de vision, d’attente, et de communication. Le meilleur exemple a eu lieu hier. Le matin, Google annonçait une mise à jour de l’interface Stadia. Le soir, il officialisait la fermeture de son service.

Stadia aurait pu être le Netflix du jeu vidéo. Sur la fin, il a essayé à travers son offre Pro mais celle-ci a mis trop de temps à s’affirmer ; et son catalogue fait pâle figure face à la concurrence.

Google semblait pourtant parfaitement armé. Il possédait les fonds nécessaires, la technologie et une équipe dirigeante d’expérience. Jade Raymond, ex-directrice d’EA Motive, avait ainsi pris la tête de SE&G. La division Stadia était quant à elle dirigée par Phil Harrison. Ce dernier a notamment travaillé pour Sony et Microsoft, et a participé aux lancements —certes compliqués— de la PS3 et de la Xbox One.

***

La fin de Stadia ne devrait pas mettre un coup d’arrêt au Cloud Gaming. Plus que jamais, ce procédé représente l’un des avenirs du jeu vidéo. Microsoft mise ainsi énormément sur le xCloud, intégré au Game Pass. C’est d’ailleurs cette offre qui représente le plus, à l’heure actuelle, le Netflix du jeu vidéo.

Sony aussi croit au Cloud Gaming mais reste plutôt discret, bien que pionnier dans ce domaine. Quant à Nintendo, plusieurs jeux Switch sont uniquement disponibles sur le Cloud : Hitman, Resident Evil, Control…

Du côté de Google, on assure que cette technologie sera en partie réutilisée par Youtube, Google Play ou la division dédiée à la Réalité Augmentée. Tout ces efforts n’ont donc pas été vain ; ils auraient toutefois pu mener à tellement mieux.

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